31 mai 2006

Mon amour étiolé


Mon pauvre ami, mon pauvre amour. Je t'aime aussi, je t'aime toujours. Mais je vois.. Si mon amour s'est quelque peu étiolé, je vois que toi, tu t'es tout à fait desséché. Pourquoi ton corps est-il devenu ce bois mort ? Je te le dis mon pauvre ami, mon pauvre amour, je t'aimais aussi, je t'aimais encore. Mais toi, tu es mort. Que puis-je faire là, maintenant, mon amour étiolé, mon amant désincarné ? Ta chevelure est tombée. Tes yeux se sont pochés. Tes membres se sont ratiboisés. On ne m'a pas appris à me dépatouiller d'un amour étiolé, d'un corps momifié, d'une histoire avariée. J'ai effectivement posé les yeux ailleurs, mais ils n'étaient pas partis si loin. Vois-tu je suis là ! Mais non, tu ne me vois pas, tu ne me vois plus. Que puis-je faire avec toi maintenant ? Tu étais mince et élancé, te voilà décharné. Tu n'es plus, pourtant tu restes là. La question n'est plus : que puis-je faire avec toi ? Je me demande à présent : mais que faire de ce qu'il reste de toi ? Sans doute un feu de bois, un feu de joie, un feu de toi.

Mude Girl.

25 mai 2006

Le néohumain Mitko31

Le néohumain Mitko31 ne pensait plus qu'à cela. Il avait pourtant tout le loisir d'occuper son cerveau à la tâche intellectuelle de son choix, mais c'était une idée, une idée simple et lancinante qui occupait maintenant tout son espace mental : Dehors. Cela lui avait pris il y avait près de deux mois. Allez savoir pourquoi lui était venue l'idée, plus que saugrenue, d'aller fouiller les archives des récits de vie de néohumains qui avaient déverrouillé leur porte et qui étaient sortis. Pas seulement sortis pour mettre le nez dehors, mais bien sortis pour s'en aller. Il avait parcouru les récits notamment de Daniel25 ou encore de Marie23. Quelque chose s'était passé en Mitko31. Quelque chose d'intime et de profond. Il avait photogravé plusieurs de ces récits de vie et s'était mis à les lire et les relire. Pourquoi et surtout comment ces néohumains avaient-ils ressentis l'envie de s'échapper ? De quitter leur confort, leur puits de savoirs, sûrement la meilleure vie possible ? Ils avaient dû entrevoir à un moment, la possibilité d'autre chose, mais ils avaient sans doute plus précisément ressenti l'excitation de l'inconnu. Il est évident pour tout néohumain que la meilleure vie possible est celle qui a été choisie pour eux, et par conséquent les vies qu'ils ne mènent pas, sont d'un moindre intérêt.


En réalité, plus Mitko s'imprégniait des récits de vie de ces déserteurs, et plus il comprenait que ce n'était pas tant l'idée d'une autre vie, c'est à dire une vie meilleure, qui les avait fascinés, et qui le fascinait, sinon le fait que ces autres vies et ce qui pouvait s'y passer ne faisait pas partie de son univers physique, mais même pas de son univers mental. Les néohumains avaient accès à d'anciens écrits racontant la vie antique des humains... Mais alors que Mitko n'avait jamais douté de la réalité des connaissances qu'il avait acquises théoriquement sur quelque sujet que ce soit, il lui devenait de plus en plus évident qu'en ce qui concernait l'antique vie des humains, aucun récit, si minutieux soit-il, ne pourrait concurrencer le fait d'en faire l'expérience effective. C'est pour cela que depuis plusieurs semaines Mitko avait totalement brisé son grand écran pluricathodique, il avait littéralement défoncé son mur sur une surface adéquate et avait branché l'ancien cadre télévisuel (et autres matériels appropriés) directement sur la réalité du dehors. Mitko était fasciné par ces scènes quasi désertiques du Dehors, et par toutes ces images sorties de nulle part qui lui aparaissaient intérieurement sans crier gare lors de ses longues observations extérioristes. Un jour, il réussirait à s'extirper de sa léthargie due à ce soudain tiraillement entre le dedans et le Dehors. Il allait avoir besoin de ruminer encore ces choses quelque temps, mais il était heureux. Car en fait, il avait redécouvert le désir. Et l'imagination.

Mude Girl.